Éric Patenaude , un visiteur de mon site , m'a envoyé ce récit racontant son séjour dans ce cénacle du bon goût qu'est le Camping Ste-Madeleine. Je lui laisse la parole
"...combien fut grande ma stupéfaction de trouver aujourd'hui mentionné ce haut lieu de
bon goût sur votre site. Replongé par ces faits dans la mare boueuse de mes souvenirs, je décide aujourd'hui de faire part à l'humanité de mon vibrant témoignage... "
.

Il y a une dizaine d'années (j'ai maintenant 22 ans), j'étais gardé par des voisins très gentils, qui avaient comme seul défaut leur
exubérante fierté d'appartenance à la confrérie du camping
Ste-Madeleine. L'été venu, alors que mes parents travaillaient, je reçus
d'eux l'invitation d'aller passer quelques
semaines à "Kitsch-Village" , Québec . Vous comprendrez qu'à douze ans, toute perspective de
vacances hors-salon rend l'enfant le plus blasé extatique. J'acceptai
donc, souriant béatement, inconscient des abominables conséquences
qu'auraient plus tard sur moi ces trois semaines surréalistes...
À mon arrivée , il planait sur le site une atmosphère
fébrile que je m'explique encore mal : Sur une affiche à ma droite se
lisait en grosses lettres: BIENVENUT AU FESSETIVALE WESTERN. Un frisson
me parcourut l'échine. De partout s'entendait un grondement sourd
répétant sans cesse: enfin Willy Lamothe, hourra Julie Daraiche, toujours Joey Tardif! Il me restait 21 jours...
À peine installais-je mon "slipping bag", qu'un délicat bruit de déversement me parvint de la roulotte voisine: un voisin restituait sa caisse de douze. Mes hôtes firent un barbecue et le soir tomba. Un spectacle magnifique vint heureusement freiner ma crise d'angoisse: Tous les campeurs allumèrent simultanément leur ensemble de lumières rattachées mutlicolores style Hawaien... Il me restait 21 jours 5 heures
et 36 minutes...
Au huitième jour, un personnage en tout point semblable à mon oncle Rosaire (c'est-à-dire gros et moche), vint me tirer de la fosse sceptique où je me terrais, recroquevillé sur moi-même, répétant sans cesse Père, pourquoi m'as-tu abandonné ? Il m'offrit une grosse Mol (1) et tenta de me réinsérer socialement. Autour de moi déambulait une horde de mononcles et de matantes en monokinis de ratine. Ca sentait le swing (2) et la Labatt 50. Les savoureux calembours de c... et de m... fusaient
de partout. Je reconnaissais parfois quelques mots français parmi les "Barnak" et les "Stidcaliss" (3) , ce qui n'était pas sans me rappeler, avec mélancolie, la civilisation. Il me restait l'autoroute pour rêver...
Je me raisonnai après 13 jours à apprendre moi aussi à conduire un trois-roues et à roter à la fin de mes phrases. Il m'arrivait même, à ce stade, d'espérer la venue du soir pour aller à la salle commune jouer aux arcades et regarder le spectacle gracieux des retraités effectuant quelques danses sociales. À l'occasion j'engageais la conversation avec
quelques adolescents attardés qui, lorsqu'ils ne copulaient pas dans les douches publiques, m'initièrent aux profondes paroles des chansons du groupe Nuance. C'est grâce à eux que j'appris à commander dans
l'autobus transformé en cantine un roteux (4) et une graisseuse (5) avec un verre de Coke. Je pense que je m'acculturais progressivement puisqu'au 20e jour, je me permis enfin d'afficher ma bedaine en jouant au mini-golf sur le bord de la 20.
Ce régime d'épis de blé d'inde dans le beurre (comment oublier cette grosse diabétique venue me voir pour nettoyer son dentier) et de poulet frit finit par m'enfler d'environ vingt livres nécessaires à ma reconnaissance sociale. Malheureusement, mon temps était écoulé et il me fallait retourner chez-moi.
À mon retour, j'eus d'abord de la difficulté à comprendre les réactions belliqueuses de ma mère qui ne semblait pas comprendre mes
adresses à sa personne: "Hey [CENSURÉ], passe moé l' ketchup !", mais les 5 années de centre de correctiion qui suivirent me réapprirent progressivement mes habitudes d'antan.
Voici mon témoignage. J'espère qu'il servira à quiconque désire un jour s'arrêter à Ste-Madeleine....
Éric Patenaude , Montréal
- Molson : Bière locale
- Transpiration
- Déformation de tabernacle et hostie de calice ou colice : Jurons
- Hot-dog vapeur
- Pommes de terre frites