Contrairement à la croyance populaire que
le mot kétaine est une déformation de Keaton une famille de St-Hyacinthe
qui avait des goûts plutôt particuliers, une comédienne bien connue des
Québécois, Andrée Champagne,
citoyenne de cette ville m'a gentiment écrit pour éclairer ma lanterne et
corriger quelques coquilles de ce site.
Je vous cite intégralement le texte qu'elle m'a envoyé :
"Dans les années '40, à Saint-Hyacinthe, le quartier pauvre de la ville
était situé aux environs de l'ancien Marché à foin (photo) et en avait pris le
nom. Un peu comme les quêteux de grand chemin, certaines familles de cette
paroisse quêtaient de porte en porte pour arriver à joindre les deux
bouts.
Finalement, d'autres clans, souvent pas tellement mieux nantis mais
définitivement mieux organisés les adoptaient avec beaucoup de générosité.
Ma mère avait ses «pratiques» comme elle les appelait dans son vocabulaire
parfois surprenant. Ces gens s'adressaient à nous quand le besoin se
faisait trop grand, espérant recevoir parfois un peu de nourriture mais
d'abord et avant tout, aux changements de saisons, des vêtements qu'ils
allaient porter... ou vendre.
Ma famille était loin d'être riche mais maman était une couturière très
habile. Ma soeur et moi étions donc vêtues non seulement très proprement
mais avec beaucoup de goût. Il nous arrivait plus tard de revoir nos
vêtements devenus trop étroits, portés par les enfants des famille
quêteuses, les «quétaines du Marché à foin».
Malheureusement, les nouveaux propriétaires n'avaient pas toujours le
don de bien assortir les fringues. Quand les ensembles révélaient un
manque de goût flagrant, maman, le sien aussi conservateur que sûr, me
disait: "Que veux-tu, ils s'habillent en «quétaines». C'est dommage mais
c'est ce qu'ils sont."
Les années ont passé mais les habitudes et les expressions de notre
jeunesse ne nous laissent pas toutes pour autant. Un jour, vers la fin des
années 50, au cours d'une répétition des Belles Histoires, avec des
camarades de travail, nous partagions des opinions sur un costume ou une
nouvelle mode. J'ai oublié de quoi il s'agissait. J'ai émis le commentaire
suivant : "Moi, je trouve que ça fait quétaine". Denise Filiatrault a
répondu: " Ça fait quoi?" J'ai répété: "Quétaine!", en expliquant: "Ça ne
va pas ensemble. Ça n'a pas d'allure!"
Quelques semaines plus tard, Denise et Dominique avaient inséré
l'expression dans un de leurs sketches et le monstre était lancé sans que
j'y puisse grand chose et sans qu'on me permette de préciser que
l'expression originale s'appliquait strictement aux habitudes
vestimentaires.
«Quétaine» vient donc bel et bien de quêter et je me suis toujours
amusée à la lecture ou à l'écoute d'une autre étymologie, fruit
d'imaginations bien fertiles. Je serais curieuse de voir tous les
registres maskoutains mais, à ma connaissance, il n'y a jamais eu de
famille Keaton dans la région.
J'ose espérer que mon histoire, que je n'ai même pas songé à raconter
dans «Champagne pour tout le monde», (l'autobiographie que je publiais
chez Stanké l'automne dernier), j'ose espérer, dis-je, que mon histoire ne
fait pas trop «kétaine» dans le sens que le nouvel usage québécois lui a
conféré."
Andrée Champagne
À cela un visiteur anonyme ajoute :
"Dans le premier tome de ses Mémoires (p. 44), T.-D. Bouchard
(1881-1962), ancien maire de Saint-Hyacinthe, donne l'origine mascoutaine
de qu(k)étenne qui correspond à celle de madame Champagne. D'après
Bouchard, Quétenne est synonyme de rustre et vient du surnom d'une des
plus notoires familles du bas de la ville, les Martin dits Quétenne.
La CBC a diffusé un excellent reportage à l'émission "C'est la Vie" en
Real Audio sur ce qu'est être kétaine.